6 avril 2010

Panchito, entre Francia y Bolivia

Francis, charanguiste, chanteur et bien d’autres choses encore, parle de Sagarnaga, de la musique des Andes, de sa passion pour la Bolivie…

"Comment as-tu rencontré la musique des Andes ?
Dans les années 70, j’avais quatre ans, mes parents avaient à la maison un disque de Los Incas qui me plaisait beaucoup. A dix ans, j’ai acheté ma première kena au supermarché. . J'ai appris tout seul à jouer de la kena, j'ai acheté tous les disques de los Calchakis, los Chacos etc... A 13 ans j'ai fait la connaissance de Vincent et Richard (deux membres du groupe Sagarnaga), ils jouaient ensemble dans un groupe que j'étais allé voir à la Mjc de Vitry le François. Richard m'a prêté pendant un mois les disques qu’il avait rapportés de Bolivie. J'ai découvert Bonny Alberto Teran, les «zampoñas de Cairani» et Bolivia Manta. Teran a été le vrai choc. La différence avec los Calchakis était tellement évidente dans la technique, le chant, le sentiment, que ma religion était faite: je voulais jouer cette musique et aller en Bolivie pour la voir et l'entendre pratiquée sur place.

Quand et comment s’est faite ton intégration à Sagarnaga ?
A Reims en 1985, je faisais partie d'un atelier de siku, animé par deux membres du groupe Chipaya et Richard. En 1986, Gérard (membre de Sagarnaga), a vent de cet atelier et propose une action commune pour la fête de la musique avec le groupe dont il fait partie. Un an plus tard, Richard et moi quittons les Chipayas, Gérard nous ayant invité à assister à une répétition de Sagarnaga. Encore un choc : dans ce groupe on jouait du Bolivia Manta avec mandoline, on jouait des morceaux de sikus avec de la caisse claire, on jouait des toyos, on jouait des morceaux de Kjarkas, de Ruphay, Jean avait un charango diablo comme Teran....bref, c'était là qu'il fallait jouer. En 1987, l'intégration se concrétise par un stage mémorable d'une semaine dans le Larzac.

Que t’apporte la musique et la collaboration à ce groupe ?
En 2010, cela fera 23 ans que nous jouons ensemble. Je suis toujours étonné de voir combien rien n’a changé dans l'envie de jouer, d'apprendre de nouveaux morceaux, de nouvelles techniques, de maîtriser de nouveaux instruments. Sur la durée, Sagarnaga est devenu comme une famille: on se retrouve une fois par mois, parfois il y a des coups de gueules, parfois on est tous ensemble et quelque chose passe dans la musique qui est indéfinissable mais super excitant. C'est une famille avec de nouveaux membres qui arrivent, qui partent, avec malheureusement des disparitions mais aussi des naissances… Sagarnaga, c'est aussi l'exigence autour du répertoire que l'on a fait évoluer, c'est des rencontres avec d'autres musiciens qui nous apportent leur savoir, leur culture. Jouer de la musique bolivienne lorsqu'il y a devant soi des musiciens boliviens c'est comme passer un oral d'examen. C'est très angoissant, cependant comme l'écoute est bienveillante on sait qu'on va progresser quitte à en baver et rester deux heures à travailler un détail qui paraît anodin mais qui pourtant va bouleverser le morceau. Tout ça est très excitant.

Tu as fait plusieurs voyages en Bolivie et en Equateur, qu’est-ce que ces voyages ont changé en toi ? Dans ta perception de la musique ?
J'ai découvert la Bolivie à l’âge de 19 ans, puis j'y suis retourné trois fois. C'est au cours de ces séjours que je pense avoir compris ce que ces musiques représentaient. J'ai compris également la place que la musique occupait en Bolivie, dans les fêtes, sur les marchés, dans les taxis, dans les bars le vendredi soir, à la radio....bref partout et tout le temps. J'ai eu des chocs comme lorsque j'ai vu Norte Potosi pour la première fois en 1988, à La Paz ; mon premier concert de Kjarkas au cine 16 de Julio, le public chantant avec le groupe des morceaux comme Wa ya yay, Bolivia ou Chuquiago Marka m'a fait comprendre un peu mieux les rapports entre les boliviens et leur expression musicale. La musique vous traverse le corps littéralement et on est obligé de danser avec celle qui vous invite : la musique se danse, ça a été une découverte aussi. Le choc ça a également été les morenadas et les tinkus en fanfare et en costume, l'énergie des danseurs, leur jeunesse : on comprend alors la vivacité de cette musique et de la culture qu'elle véhicule. Mais la Bolivie c'est aussi des rencontres autour de la musique, c'est jouer de la musique; d'ailleurs à ma grande surprise les gens n'étaient pas si étonnés que cela de voir un gringo jouer leur musique, plutôt contents. Mon but est donc de me rapprocher le plus possible de cet esprit même si c'est très compliqué car cette musique est malgré tout indissociable de son environnement, je crois que c'est cela que j'ai surtout compris en Bolivie."

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